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Littérature anglaise - Page 76

  • Complètement égoïste

    Pendant quatre-vingt-huit ans, elle a été celle qu’on attendait qu’elle soit. La jeune fille bien élevée qui dit « oui » au jeune Holland à l’avenir prometteur, la mère attentive à ses enfants, l’épouse du vice-roi des Indes, un gentleman. A la mort d’Henry Lyulph Holland, premier comte de Slane, quatre-vingt-quatorze ans, elle tient encore son rang admirablement. Les enfants de Lady Slane se disent : « Mère est merveilleuse » ou « Grâce à Dieu, Mère n’est pas une de ces femmes de tête » et bientôt « Mère n’a pas le sens pratique ». S’ils ne sont pas très fortunés, au moins il y a les bijoux somptueux portés aux Indes. D’elle-même, elle les donne au fils aîné – « Il avait le sens de l’argent, pas celui de la beauté. Elle avait le sens de la beauté, pas de l’argent. » Mais là finit la soumission. Non, elle n’ira pas vivre chez ses enfants à tour de rôle. Elle connaît une maison à Hampstead, avec un joli jardin plein sud, des pêchers le long d’un mur. Elle y vivra seule, avec la fidèle Genoux qui la sert depuis les Indes. Sa décision est prise.

     

    C’est donc un portrait de Lady Slane que peint Vita Sackville-West, « poétesse, romancière, essayiste, biographe, traductrice et jardinière anglaise » (Wikipedia), dans Toute passion abolie (All passion spent, 1931), le roman d’une émancipation. « Pour Benedikt et Nigel qui sont jeunes, cette histoire de personnes âgées », dit la dédicace. Une réflexion pleine de finesse et d’ironie sur le temps d’une vie, les choix, la volonté d’être soi, de décider librement qui l’on veut voir ou pas, avec qui partager ses heures. 

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    « Quatre-vingt-huit ans… Cette conscience, cette sensation d’être âgée était étrange, vraiment intéressante. Son esprit était aussi alerte que jamais, on
    aurait dit qu’il était même d’autant plus aiguisé qu’il sentait l’échéance prochaine et entendait profiter au maximum du peu de temps qui lui restait. (…) En allant seule à Hampstead, elle oubliait son âge, se sentant même plus jeune que jamais, impatiente d’entamer cette nouvelle étape de sa vie, même si c’était la dernière. »

     

    Le propriétaire, M. Bucktrout, lui propose un bail d’un an. Il est visiblement heureux de lui louer sa maison, lui qui s’est convaincu que « les plaisirs de la contemplation sont plus grands que ceux procurés par l’action. » Il devient, avec le vieil artisan chargé de rénover et d’aménager les lieux, l’interlocuteur privilégié de Lady Slane, lui apportant une plante ou un bouquet, « un peu comme s’ils s’étaient inscrits avec elle pour la dernière valse, celle qui précède l’instant où l’orchestre va se taire à jamais. » Pleins de courtoisie les uns vis-à-vis des autres, ils se parlent sans s’interrompre, prennent régulièrement le thé ensemble, au grand plaisir de Genoux qui aime voir apprécier la compagnie de « miladi ». Il s’agit « d’être, tout simplement », et tant pis pour ceux qui jugent cela complètement égoïste.

     

    Quand elle est seule, Lady Slane songe à sa vie, à la jeune Deborah Lee qui aurait aimé être artiste peintre. « Elle se souvint qu’une ombre sur un mur lui procurait un plus grand plaisir que la vision du mur lui-même, la manière avec laquelle
    elle avait observé un ciel orageux, une tulipe au soleil… »
      « Oui, c’était cela la jeunesse, hésitant comme on le fait sur le seuil d’une demeure inconnue, prête pourtant à se lancer poitrine en avant contre une lance. »

     

    Un troisième homme fait irruption dans sa vie. FitzGeorge, le vieil ami très riche de
    son fils Kay, l’a connue aux Indes. Cet excentrique réputé « vivait plus que modestement, dans un deux-pièces au dernier étage d’une maison de Bernard Street, n’appréciant les œuvres d’art que s’il les avait découvertes lui-même, et toujours à bas prix. » Soucieux de préserver l’intimité réclamée par sa mère, Kay ne lui a pas transmis ce vif désir de rencontrer celle qui reste pour son ami la vice-reine des Indes. Alors FitzGeorge se rend de lui-même à Hampstead où il est accueilli poliment. Lady Slane ne se souvient plus de lui. Mais quand il lui rappelle les circonstances précises dans lesquelles ils ont fait connaissance aux Indes, « Lady Slane avait peut-être quatre-vingt-huit ans, mais pendant quelques secondes, passa entre eux le courant qui relie tout homme à toute femme. »

     

    Vita Sackville-West, qui fut l’amie intime de Virginia Woolf à qui elle inspira Orlando, réussit dans Toute passion abolie à décrire aussi bien l’attitude compassée de la famille de Lord Slane, les chicaneries qui masquent le manque d’affection, que la vie intime de Lady Slane, débarrassée de la gangue mondaine. C’est elle le vrai sujet du récit et, tout compte fait, « un esprit rare ».

     

  • Courir

    « La plupart des adultes partent du principe que les émotions de l’adolescence ne comptent pas vraiment, que ces violents accès de rage et de haine, ces moments atroces de gêne et d’horreur, ces élans d’amour abject et désespéré passeront avec l’âge, qu’ils font partie de la puberté, qu’ils ne sont rien qu’une sorte de répétition avant le vrai spectacle. Ce n’est pas vrai. A treize ans, tout compte. Tout a des bords tranchants. Tout vous blesse. » (Pion) 

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    « Moi aussi j’avais couru comme ça, je m’en souvenais parfaitement, et il n’y avait pas si longtemps non plus, à l’époque où les week-ends avaient la longueur du terrain de foot. De nos jours, ils passent comme l’éclair. Semaines, mois, années
    se bousculent et disparaissent comme dans le chapeau d’un prestidigitateur.
    Je m’interroge encore pourtant : pourquoi les garçons courent-ils toujours ?
    Et moi, quand ai-je cessé de courir ? »
    (Roi)

     

    Joanne Harris, Classe à part.

  • Suspense garanti

    Qui a vécu au sein d’une école prestigieuse, ancienne, traditionnelle, se retrouvera
    chez lui dans le roman de Joanne Harris, Classe à part, un titre qui lui correspond bien même s’il ne traduit pas littéralement Gentlemen and Players (2005). La romancière anglaise, dont le troisième roman, Chocolat, a connu un beau succès au cinéma, a pris au jeu d’échecs les rôles de ses personnages : un pion et un roi, en alternance, plus tard un cavalier et une reine.

     

    Il y a des lignes qu’on n’est pas censé franchir – « Entrée interdite au-delà de cette limite » – et qui donnent envie de le faire : « La limite qui sépare le criminel de la société des honnêtes gens est une frontière aussi arbitraire et insensée que les autres, une simple ligne tracée par quelqu’un dans la poussière. » Voilà ce que ressent déjà à neuf ans le rejeton de John Snyde, devenu le « porter » de Saint Oswald. Son père est très fier de son emploi dans ce lycée réputé dont ils occupent la Vieille Loge. 

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    Quelle frustration pour l’enfant d’habiter un tel endroit sans pouvoir s’y inscrire ! Les élèves de Saint Oswald semblent « d’une autre race » que ceux de l’école populaire où celui qui aime les livres est un bouc émissaire : « Ils me paraissaient non seulement dorés par le soleil et par la vie qu’ils menaient dans un cadre aussi beau mais aussi par quelque chose de moins tangible, par une assurance naturelle, un vernis mystérieux qui les revêtait tout entiers. » (On se croirait avec Emma Bovary au Château de la Vaubyessard.)

     

    A la rentrée de septembre, Straitley songe aux trente-trois ans passés là à enseigner le latin, il va sur ses soixante-cinq ans. « Encore un trimestre et, comme au cricket, j’aurait fait une Centaine. Mon nom sera inscrit au tableau d’honneur du personnel. » Très attaché à la salle 59, dans le clocheton, il observe que comme les chiens et leurs propriétaires, salles de classe et enseignants finissent par avoir un air de famille. « Territoire souvent concédé mais jamais cédé », avec son vieux bureau et ses pupitres de bois maintenus malgré la vogue des tables modernes, la sienne a le même charme que sa vieille veste de tweed, malgré les souris. Mais la réunion de professeurs jette vite une ombre sur cette rentrée : les salles reçoivent une nouvelle numérotation, de nouvelles occupations. Non seulement on prive Straitley de son bureau, mais il devra partager « son » local avec d’autres.

     

    Quaz, comme le surnomment ses élèves (pour Quasimodo), jauge rapidement les nouveaux collègues. Lui-même se range parmi les Tweedys, des solitaires très
    attachés à leur territoire, leur tasse à thé, leurs plantes vertes. Il repère deux personnalités a priori sympathiques : miss Dare, une linguiste, et Chris Keane, le nouvel angliciste. Mais ni lui ni personne ne se doute qu’une Taupe vient de s’introduire à Saint Oswald, quelqu’un qui n’a jamais supporté l’humiliation ni le
    renvoi de son père, le gardien John Snyde. Quelqu’un qui connaît déjà par cœur tous les recoins de cette école qu’il a explorée clandestinement pendant son enfance, toits compris. Quelqu’un qui, à treize ans, s’est même mêlé régulièrement aux élèves, sans que personne ne remarque jamais Julien Dutoc, l’élève invisible - à part pour un garçon rebelle avec qui s’est nouée une amitié très particulière. Un des nouveaux professeurs n’est pas celui qu’on croit. Avec la même facilité qu’alors, il s’est fait une place dans ce monde insupportablement interdit.

     

    Classe à part distille une vengeance habile, sournoise, machiavélique. Il s’agit de faire s’écrouler le bel édifice. Tous les coups sont permis contre les élèves, les collègues, la direction, la réputation même de l’établissement de prestige où personne, jamais, n’a eu la moindre idée de ce que signifie, pour un enfant, d’être exclu d’emblée de ce paradis, à cause de son origine sociale.

     

    Le suspense est donc garanti. En même temps, Joanne Harris nous plonge dans l’atmosphère si particulière d’une année scolaire, avec les motivations diverses, les rivalités et les alliances, à tous les niveaux. « Le domaine vestimentaire, écrit l’auteur avec humour à propos de l’uniforme, est le champ-de-mars des jeunes ». Le vieux Straitley connaît la chanson. S’il sait jouer la comédie en classe, faire régner l’ordre, s’insurger contre les vaines nouveautés pédagogiques ou administratives, il est plein d’affection pour ses élèves. Dès que les choses commencent à mal tourner, il pressent derrière ces événements une intelligence impitoyable. Nous partagerons ses soupçons mais, comme lui, alors que le pion nous a mis tout le long dans la confidence, le dénouement nous surprendra, alors que nous croyions avoir tout deviné.
    « Audere, agere, auferre », c’est la devise de Saint Oswald. Oser, agir, triompher.

  • Cottages d'artistes

    Esther Freud, née en 1963, est la fille du peintre Lucian Freud, l’arrière-petite-fille de Sigmund Freud. La romancière anglaise s’est inspirée d’archives familiales pour écrire La maison mer (The Sea House, 2003), une double histoire dont les cottages de Steerborough, dans le Suffolk, sont plus que le décor. Une histoire d’artistes.

     

    En 1953, le peintre Max Meyer se rend sur la Côte à la demande de Gertrude Jilks, une psychanalyste pour enfants, l’amie de sa sœur Kaethe. Max est sourd depuis l’âge de treize ans. Gertrude remplit une promesse faite à son amie récemment disparue en demandant à Max de venir peindre sa maison, Marsh End, pour l’occuper. Cinquante ans plus tard, Lily Brannan s’installe à son tour à Steerborough. Etudiante en architecture, elle veut découvrir de près ce village où a vécu l’architecte Klaus Lehmann. Pour son travail de fin d’études, elle lit les lettres qu’Elsa Lehmann, son épouse, a conservées, une correspondance de vingt ans que lui a confiée un parent. Nick, son fiancé, resté à Londres, ne comprend pas son refus d’un téléphone portable. La cabine téléphonique locale fonctionne mal. Dès le premier jour, Lily se promène pour prendre ses repères : « La mer roulait ses vagues, juste derrière la ligne d’horizon, elle semblait appeler Lily de son grondement magnétique. » 

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    Cette double histoire, celle de Max, celle de Lily, appelle la lumière et les couleurs. « Le paysage dans son ensemble était déjà une aquarelle qui n’avait nul besoin de ses coups de pinceau » se dit Max au début. Le soleil « donnait à l’herbe un vert surnaturel, aux flaques un bleu alpestre, et rappelait à Max les ciels de la peinture religieuse italienne qu’il avait étudiés, les chérubins potelés, les doigts de la lumière divine. » Lui aussi relit des lettres d’autrefois, celles de son maître en peinture, Cuthbert Henry. Le père de Max avait rétribué celui-ci pour conseiller son fils dont on lui envoyait les dessins, et puis ces échanges s’étaient mués en une véritable amitié. « Un peu sourd ? Qui vous dit que vous avez besoin de vos oreilles pour peindre ? » lui avait-il écrit un jour. Et une autre fois, « « Et si vous attendez de savoir dessiner à la perfection, alors vous pouvez aussi bien attendre jusqu’à l’heure de votre mort. »

     

    Quand Gertrude invite les Lehmann, Klaus et sa femme, pour qu’il fasse leur connaissance, Max est ébloui par la beauté d’Elsa. A sa grande surprise, celle-ci se souvient de lui, du temps des vacances d’été à Hiddensee. Enfant, elle avait observé le beau couple qu’il formait avec une jeune fille en robe verte – « C’était ma première rencontre avec l’amour », dit-elle. Max se met à peindre, une maison après l’autre, sur un rouleau de papier d’apprêt trouvé chez Gertrude. Par tous les temps, on le voit sur son tabouret, croquant les architectures, les détails, les gens aussi. « Une large frise composée de verts, de briques et de fenêtres, d’oiseaux, de chats, de ciel. » On découvre par petites touches le passé de Max, son départ d’Allemagne, l’histoire de sa famille. La rencontre avec les Lehmann – l’architecte juif allemand a fui les nazis lui aussi -  fait affluer les souvenirs. Elsa, un jour, l’emmène dans la maison mer, une cabane blanche sur pilotis, où l’amour et le drame se donneront rendez-vous.

     

    Lily, un demi-siècle après, tombe littéralement sous le charme de l’endroit et de ses habitants. Sa voisine Ethel prend chaque jour un bain de mer à quatre-vingts ans passés. A côté, Grae, qu’elle entend se disputer avec sa femme, a deux fillettes, Em et Arrie, qui suivent Lily partout ou bien l’emmènent sur des chemins inattendus. Lily voudrait partager son enthousiasme avec Nick, mais il y a toujours quelque chose d’urgent qui le retient à Londres. Et les mots d’amour qu’il ne lui a jamais dits lui manquent terriblement, si loin de ceux qu’écrivait Klaus à Elsa.

    La maison mer d’Esther Freud parle des choses de la vie, au dehors comme au dedans. Les rapports entre les êtres, la création, la vie au village, la nature et les demeures des hommes, leurs élans et leurs hésitations… Un roman palpitant.

  • Virginia en lectrice

    Quelle intelligence ! Quel humour ! Dès 1905, Virginia Woolf (1882-1941) écrit des essais critiques, entre autres pour le supplément littéraire du Times. Rassemblés dans The Common reader, ils sont publiés la même année que Mrs Dalloway, son chef-d’œuvre, en 1925. Le premier volume, Le Commun des lecteurs, regroupe une vingtaine de textes consacrés principalement à la littérature anglaise et surtout à la lecture, comme l’indique le titre du deuxième volume paru récemment, Comment lire un livre ? 

     

    « Je me félicite d’avoir l’approbation du commun des lecteurs ; car c’est le bon sens des lecteurs purs de tout préjugé littéraire, après les raffinements interminables de la subtilité et le dogmatisme de l’érudition, qui doit finalement décider de tout droit aux honneurs poétiques. » Cette phrase du Dr Johnson a inspiré le titre : le commun des lecteurs, ceux qui « lisent pour leur propre plaisir, plutôt que pour transmettre des connaissances ou corriger l’opinion des autres », même s’ils « présentent en tant que critiques des insuffisances trop évidentes pour qu’il soit besoin de les signaler. »

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    Quel plaisir de retrouver la fine plume de Virginia Woolf  ! « Acheter des terres, faire construire de grandes demeures, remplir ces demeures de vaisselle d’or et d’argent (ce qui ne les empêchait pas d’installer des cabinets dans les chambres), tel était le véritable but de l’humanité. Mr et Mrs Paston dépensaient l’essentiel de leur énergie à la même activité épuisante. » (Les Paston et Chaucer) Woolf divise les écrivains en deux genres : les prêtres et les profanes, dont Chaucer : « au lieu de nous adresser des exhortations solennelles, on nous laisse flâner, observer et tirer nos propres conclusions. »

     

    Lisant les auteurs grecs, elle oppose le « style preste et railleur » des gens du Sud à « la lente réserve, les demi-tons graves, la mélancolie songeuse et renfermée de peuples habitués à vivre plus de la moitié de l’année sous un toit. » (Sur l’ignorance du grec). Hélas, « l’humour est la première qualité à disparaître dans une langue étrangère, et quand nous passons de la littérature grecque à la littérature anglaise nous avons l’impression, après un long silence, d’entrer dans notre glorieuse époque avec un éclat de rire. »

     

    Au milieu de l’océan élisabéthain, voici une lettre de la reine Elisabeth « dont le papier était délicatement parfumé de camphre et d’ambre gris, et l’encre de musc véritable ». Woolf compare l’Annabella « grossièrement ébauchée » de Dommage qu’elle soit une putain (John Ford) avec Anna Karénine, « une femme de chair et de sang » qui a « des nerfs et un tempérament, un cœur, un cerveau, un corps et un esprit », avant d’approfondir la différence essentielle entre le théâtre et le roman. Plus loin elle rend hommage à la littérature russe, à Tchekhov en particulier, sans oublier qu’en traduction, elle nous reste pourtant « étrangère ».

     

    Virginia Woolf s’emballe pour Montaigne. « Car au-delà de la difficulté de se communiquer, il y a la difficulté suprême d’être soi-même. » L'auteur des Essais ajoute volontiers « peut-être », « je pense », et « tous ces mots qui nuancent les affirmations irréfléchies de l’ignorance humaine. » Elle aime son amour de la vie : « Toutes les saisons sont aimables, les jours de pluie comme les jours de beau temps, le vin rouge comme le vin blanc, la compagnie comme la solitude. »

     

    Elle s’amuse à peindre la Duchesse de Newcastle, extravagante et excentrique. Celle-ci adorait ne pas s’habiller comme tout le monde, « inventer des modes » et par-dessus tout écrire des livres interminables. De l’auteur de Robinson Crusoé, Defoe, qui considérait comme une injustice choquante de refuser l’éducation aux femmes, Woolf commente surtout Moll Flanders et Roxane, d’une grande « vérité de compréhension ». « Et surtout, ces hommes et ces femmes étaient libres de parler en toute franchise des désirs et des passions qui animent hommes et femmes depuis la nuit des temps, ce qui leur conserve même à présent une vitalité intacte. »

    Virginia Woolf  écrit sur Jane Austen, les sœurs Brontë, Conrad... Parmi ses chutes, remarquables, celle-ci : « Deux cents ans ont passé ; l’argenterie, usée, est devenue lisse ; le dessin est presque effacé ; mais c’est toujours de l’argent massif. » (Addison)